9782226318923gL’Histoire : Le 25 octobre 1415, la bataille d Azincourt, qui aurait dû être gagnée par les Français, fut pour eux une défaite sans précédent, où périt une grande partie de leur élite politique et guerrière. Pour les Anglais, bien inférieurs en nombre, usés par des semaines de marche, ce fut une formidable victoire, mise à l’actif de leur jeune roi Henri V. Comme à Crécy, ou à Poitiers, les redoutables archers anglais avaient fait la différence.
Valérie Toureille
est historienne et elle vient de publier un livre intitulé « Le Drame d’Azincourt. Histoire d’une étrange défaite«  alors que l’on vient tout juste de fêter les 600 ans de ce qui n’est pas une simple bataille parmi tant d’autres, durant la Guerre de Cent ans, mais bien un moment clé de l’histoire de France. En effet, c’est après la terrible défaite qu’allait naître le premier embryon du sentiment national et les fondements de la France moderne.

-Le vendredi 25 octobre 1415, au beau milieu du plateau d’Artois, près d’Azincourt (ou Agincourt), le roi d’Angleterre Henri V fait face à l’armée française, qui n’est pas conduite par Charles VI (inapable de le faire car déjà malade) mais bien sous les ordres de cinq chefs aux positions discordantes. On retrouve ainsi les jeunes princes de sang (le duc d’Orléans, le duc de Bourbon, celui d’Alençon), les deux principaux chefs militaires du royaume (le connétable d’Albret et le maréchal Boucicaut). Le 25 octobre, Henri V reçut l’ambassade des hérauts français venus lui porter les défis (le défi, dans la guerre médiévale, constituait la disposition d’usage qui indiquait que l’on proposait la bataille à son adversaire). Les Français étaient trois fois plus nombreux. La bataille en elle même ne dura que 4 heures et fût un véritable désastre comme la France n’en avait encore jamais connu. Bilan de ceci : six mille Français et mille six cent Anglais périrent ce jour là. Le génie tactique d’Henri V et la discipline de ses troupes avaient eu raison de l’enthousiasme brouillon des Français. Azincourt sonna le glas de la chevalerie traditionnelle.

-Les conséquences sont tout d’abord désastreuses. Ainsi en mai 1420, le traité de Troyes modifie le rapport de force entre les deux nations. Jamais dans son histoire, la monarchie française ne fut si près de disparaître qu’en cette année 1420, qui allait ouvrir une décennie calamiteuse durant laquelle le royaume allait se fractionner en deux camps irréconciliables. Deux factions rivales se déchirent depuis l’assassinat du duc d’Orléans en 1407 : les Armagnacs (partisans du roi de France) et les Bourguignons (alliés des Anglais). L’assassinat en 1419 du duc de Bourgogne est un tournant majeur dans les relations entre Français et Anglais. L’héritier du duché de Bourgogne s’allie aux Anglais d’Henri V. En 1420, un décret banni l’héritier du royaume de France. Le traité de Troyes reconnaissait Henri V comme héritier et régent de France dans l’attente du décès du roi en titre Charles VI atteint de folie. Le futur Charles VII qui n’est encore que le Dauphin, s’installe à Bourges et mène la guerre pendant 10 ans sans les moyens matériels de la faire. En 1422, Henri V meurt de la dysenterie à seulement 35 ans, suivi en cette même année par Charles VI roi de France en titre. Henri VI n’étant qu’un enfant au berceau, la régence est confié au frère du roi défunt Jean de Lancastre, duc de Bedford. Le fond est touché lors de la nouvelle défaite française face aux Anglais à Verneuil en août 1424. Pendant trente années, la France est ainsi écartelée entre deux royaumes jusqu’au lendemain de la bataille de Formigny livrée le 15 avril 1450.

Charles VII règne sur le centre et au sud (pays d’oc). Il n’a ni argent, ni soutiens, si ce n’est celui de sa protectrice Yolande d’Aragon, des Armagnacs et de quelques mercenaires. Le roi est au bord du renoncement lorsqu’il rencontre Jeanne d’Arc. C’est là l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire de France, non pas tant sur le moment, (même si la levée du siège d’Orléans le 8 mai 1429 n’est pas anodine) mais bien plutôt parce que Charles VII (couronné à Reims grâce à la volonté farouche de Jeanne) fera, bien après la mort de cette dernière, (capturée puis condamnée au bûcher à Rouen, Jeanne meurt le 30 mai 1431) un mythe renforçant la nation française et la dynastie des Valois. La réhabilitation de Jeanne d’Arc en 1456, voit Jeanne proclamée bonne catholique injustement accusée d’hérésie. Dieu avait protégé les Valois et c’est lui qui au final avait donné la victoire à Charles VII. Azincourt a engendré Jeanne d’Arc. Ainsi, même quand les institutions disparaissent, le ciment de la nation demeure.

-Plus tard, la reconquête française fût menée par des capitaines sans état d’âme, indifférents aux codes chevaleresques, privilégiant l’efficacité à l’honneur. Charles VII encourage la révolution technique de l’artillerie en accordant davantage sa confiance à des ingénieurs, non du fait de leurs titres nobiliaires mais bien du fait de leurs compétences techniques. La réforme de l’armée gomme les distinctions entre nobles et roturiers. Conséquence de ces nouveautés, la « Praguerie » qui est ainsi la première rébellion de la noblesse contre son roi, la première révolte nobiliraire.

-Azincourt devait sonner le glas de l’indépendance française, mais elle n’eut pas au regard de l’histoire, les effets escomptés. 35 ans après le choc de cette défaite, c’était une autre France qui renaissait : un pays modernisé, mettant en place les instruments d’un Etat centralisé et puissant, une nation qui après avoir manqué de disparaître trouva l’ultime ressort du patriotisme pour se reconstruire et perdurer. Un patriotisme populaire jusque là inconnu dont les Anglais étaient la cible.

Un ouvrage fort intéressant. J’avais déjà lu celui de Philippe Contamine. Celui-ci est complet et accessible, idéal pour mieux comprendre cette page si riche et tourmentée de l’histoire de France.

Ma note:♥♥♥♥♥/5.

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